Il y avait du monde..
Vraiment, il y avait beaucoup de monde.
C'était loin d'être le meilleur moment pour faire un crise. Ceci dit, il était rarement un bon moment pour faire une crise, mais passons. Les rues étaient bondées, alors que les meurtres se perpétraient, la nuit. C'était ici que l'on retrouvait le plus de cadavres, à l'aube, abandonnés par leurs meurtriers, voyous en fuite ou vampires apeurés par la lumière du jour. Et pourtant, les trottoirs ne désemplissaient pas. Peut-être vivait-on dans une ville de suicidaires, ou de fous. Peut-être qu'ils se croyaient tous assez doués pour mettre en déroute quiconque essayerait de les tuer.

Des fois, je me demandais comment la population faisait pour ne pas être informée de l'existence de vampires. Certes, la police couvrait les preuves, mais bien des gens auraient du se rendre compte en découvrant leurs proches morts, qu'ils avaient été tués par un vampire. Ce n'était pas comme si personne n'avait entendu parler de cette espèce. Les gens savaient comment u vampire tuait. Ils n'y croyaient pas, c'était tout.
N'empêche que, si les vampires existaient, pourquoi pas d'autres créatures aussi ?

Ce furent des coups de feux qui me sortirent de mes pensées.
Ils provenaient d'une ruelle, non loin. Et tout le monde s'en foutait royalement. Les gens étaient-ils sourds, où les coups de feux étaient-ils, tel des ultrasons, inaudibles à l'oreille des passants ? Ou les gens étaient simplement habitués. Habitués à ce que les gens se fassent tuer, toutes les nuits, dans les rues malfamées de cette putain de ville.
Moi, en tout cas, je ne m'y faisait pas. Surtout en sachant qu'à moi seul, j'étais la cause d'une bonne partie de toutes ces morts, infâmes et prématurées. J'allai dans cette fameuse ruelle, d'où sortaient les coups de feux, et une odeur forte de sang.
En temps normal, j'aurais évité de m'approcher d'une source récente de meurtre, surtout avec autant de victimes potentielles dans la rue principale. Mais j'étais d'assez bonne humeur, et, surtout, j'avais fait une crise peu de temps avant, ce qui limitait franchement les risques de replonger. Même si c'était toujours possible.

Je tombai nez à nez avec une.. jeune fille, trois têtes pendouillant de sa main. Par réflexe, je détournai les yeux, et me forçai à regarder l'inconnue dans les yeux. Allez savoir si il s'agissait là plus de dégout que de peur de re-sombrer, mais je m'interdisais de regarder les cadavres et les blessures trop profondes.

" Qui es-tu toi ? "

En supposant que c'était elle qui venait d'abattre les trois corps gisant actuellement sans tête non loin - simple supposition, hein -, il valait mieux prendre ses précautions. Je lui répondis donc, gentiment, en restant sur mes gardes.

" Jack. Raegan. Et.. toi ? "

La demoiselle alluma un feu, au niveau des têtes, les tenant ainsi, brûlantes, éclairées par les flammes, faisant luire d'un éclat malsain l'irregardable. Je ne devais pas m'attarder sur ses détails, pour la simple et bonne raison qu'ils me plaisaient trop. Combien de temps pouvais-je passer à regarder un cadavre, droit dans les yeux, contemplant un regard vide et lointain, en revoyant, inévitablement, mes parents ? Et surtout, cette fascination, qui m'obsédait, encore et encore, faisant renaitre en moi le monstre que j'étais. Pour fuir la vue de ces têtes, je regardai la jeune femme en face de moi. Il fallait avouer qu'elle était jolie, à demi-nue sous son manteau.

- Jack Reagan... Voilà plusieurs semaines que je te cherche...

Me chercher ? Moi ? Pourquoi ?
La première idée qui me traversa l'esprit avait un lien direct avec mon enfermement à l'asile. Voulaient-ils me reprendre pour mes diverses meurtres ? Non, quand même pas. Bien sûr que non. Ou, en tout cas, ils n'enverraient pas quelqu'un venant de tuer trois vampires. En parlant de vampires.. ça avait sûrement un rapport avec la coalition. C'était vrai que j'étais le bras droit de Sullivan, après tout.
D'ailleurs, était-ce réellement possible de tuer si facilement trois vampires ? Quoiqu'avec une arme à feu, ça devait être beaucoup plus facile. Je n'avais jamais essayé les armes à feu, et, je crois que mon penchant monstrueux s'y refusait. Je ne pense pas que l'on puisse ressentir les mêmes.. émotions en tuant quelqu'un avec une arme à feu qu'avec une arme blanche. Et je ne voulais pas le savoir, de toute manière.

Je crois que je n'ai aucune notion de la difficulté encourue à tuer un vampire. A vrai dire, je ne me souviens nullement avoir tué de vampire. J'aimerais bien vous dire que c'était parce qu'une abominable personnalité en fuite résidait dans ma tête, mais non. J'étais juste fou, et amnésique.
Quoiqu'il en soit, ça ne me disait pas pourquoi l'inconnue me cherchait. Je reculai un peu et lui demandai sèchement.

" Et, que me vaut cet honneur ? "

La question restait là, cependant. Etait-ce humainement possible de tuer trois vampires, armé d'un revolver ou non ? Si les vampires n'étaient pas armés, c'était faisable, je pense. Je cherchai vaguement leurs corps respectifs, dans l'impasse, à la recherche d'une arme à feu de leur côté. Mais ce fut un haut-le-coeur qui acheva mes recherches. Vraiment, il ne fallait pas que je voie ce genre de scènes. C'était à la fois répugnant et admirable, et, vraiment, ça me faisait peur.

J'eu encore un mouvement de recul. Allez savoir si il s'agissait d'une prudence et d'un manque de confiance maladif, ou d'un simple réflexe, voire même simplement le fait qu'il n'aimait pas être près des gens. Pas que je sois un asocial inconditionnel, hein - quoiqu'on pourrait se poser des questions à ce niveau là -, hein, mais il était plus plaisant de discuter quelqu'un avec un écart raisonnable, à mon goût.

" Ah non...l'honneur me revient Monsieur Reagan... Je m'appelle Adelicia. "

Tiens. Monsieur Reagan semblait toujours aussi étrange. Il fallait se dire que je n'arrivais pas à se faire à l'idée qu'on m'appelle monsieur Reagan, et non Jack. Pas que j'ai une quelconque haine envers ma famille pour haïr leur nom, hein. Juste que je trouvais Jack plus joli que Reagan. Mais bon.

" Appelle moi Jack.. "

" En fait... j'aimerais rentrer dans la coalition.. Ça fait un bout de temps que j'essaie mais.. aucun moyen d'y arriver. "

Entrer dans la coalition, hein.. donc j'avais raison. Et je m'étais un peu monté la tête pour rien. Mais ça, c'était habituel. Fallait dire que je pensais trop vite, et que ça dérivait avec une grande aisance. A partir d'un sujet très sérieux, je pouvais me retrouver à débattre sur le pourquoi du comment les papaillons de jour avaient des couleurs si voyantes, comparées aux papaillons de nuit. - D'ailleurs, si vous voulez savoir, c'est juste que, ceux de jour s'en servent pour effrayer les prédateurs et ceux de nuits pour se cacher. Mais passons - Je revins à la situation et regarda la jeune femme, dans les yeux.

" On m'a dit qu'il fallait que je te trouve... comme ça, tu pourrais me mener à Sullivan Herns...j'espère que l'on ne m'a pas menti, ce serait dommage sinon... "

Raisonnement étrange. Elle aurait pu aussi chercher à trouver directement Sullivan, non ? Comme ça, elle n'avait pas besoin de chercher quelqu'un qui devrait en chercher un autre. Remarquez, il était plus facile pour moi que pour elle de trouver Sullivan. Mais je restais à peu près persuadé qu'elle avait plus de chances de trouver ledit Sullivan que moi. Enfin, ceci ne changerait absolument rien à la situation.

" Non, c'est juste. "

Je sortis mon téléphone et, avec plus ou moins grande difficulté, écrivit un sms à Sullivan, lui disant de venir. Ce ne fut qu'une fois la touche d'envoi appuyée que je me rendis compte qu'il pourrait très bien me croire attaqué par une horde de vampire sanguinaires, par manque de précisions. Espérons que non.

" N'ayant une grande estime des vampires, je pensais pouvoir faire profiter la coalition de mes "talents"... alors, serais-tu apte à me conduire à Sullivan ? "

Je me contentai de sourire. Sullivan, il l'avait déjà prévenu. Pour savoir si il s'agissait de quelqu'un ayant une réelle volonté d'exterminer les vampires, ou juste d'une pro vampire - voire même vampire, puisque j'étais bien foutu de ne pas l'avoir remarqué - voulant contrer la coalition; je laissais faire Sullivan. Personnellement, si je devais réfléchir à tous les détails, il me faudrait des mois, et encore. C'était pas mon truc, de cerner les gens. C'pas pour rien que j'avais fini psychopathe isolé de tous, non ?

" Je vois.. normalement, il devrait arriver. "

Sullivan vint sans se presser. Si Jack avait eu le temps d'écrire un texto aussi long et sans abréviations c'était que la situation n'était pas urgente. Si ça avait été le cas il lui aurait juste donné l'endroit et il aurait dû venir très vite car ça voulait dire qu'il n'avait pas le temps d'en dire plus. En fait il n'aurait pas envoyé de SMS... il aurait laissé l'Autre sortir, et l'Autre n'appelait pas a l'aide, même face a des Originels l'Autre avait ses chances en combat singulier.
Question de logique. Les rues s'enchainaient lentement... pas de traces de vampire comme d'habitude. Enfin, il n'allait pas se plaindre... Pourquoi Jack l'avait il fait venir? Un coup de fil aurait suffit pour lui parler. Il devait vouloir lui montrer quelque chose.
Enfin le dernier virage fut passé et il put admirer la scène: le feu de poubelle ou on pouvait encore distinguer des têtes jetées sur les lieux des lueurs orangées et changeantes, éclairant imparfaitement les cadavres décapités.
A côté, la lumière se reflète sur Jack, découpant sa silhouette en ombre chinoise... en face de lui... C'était assurément une femme charismatique. Mais Sullivan la trouvait un brin provocante ainsi seulement cachée par un bandeau de tissu sous son manteau.
Une belle fille mais pas son genre. Qu'est-ce qu'elle faisait a côté des trois vampires que Jack venait de tuer? Si on l'avait appelé c'est que ça devait avoir un rapport a la Coalition... des négociations pro-vampires? Peu probable. Donc il devait y avoir autre chose.
Une nouvelle recrue? Déjà plus probable, cette fille ne semblait pas avoir un esprit faible, et il en fallait de la volonté pour combattre les abominations. Elle n'avait pas non plus l'air d'avoir besoin d'aide côté force, on pouvait apercevoir ses muscles bien dessinés par l'ouverture de sa veste... Une gymnaste peut-être?

Bah... il verrait bien. Il avance tranquillement dans la lumière, sans se cacher et sans se mettre en valeur, son long manteau et son teint pâle le faisait ressembler a un vampire comme d'habitude. Bon sang... il ne lui manquait que l'accent roumain pour jouer Dracula.

- Bonsoir Jack... Bonsoir... Mademoiselle?

Il donne un petit coup de pied a l'un des vampires a terre. Une décapitation... mais pas comme celle que Jack faisait d'habitude, pas aussi propre et nette que la trace de la longue lame acérée du katana.

- Beau travail... Tu m'avais demandé de venir Jack?

Je ne pris pas la peine de tourner la tête à l'entente des bruits de pas sur le bitume. Je savais qu'il s'agissait de Sullivan. Je ne savais pas pourquoi je le savais, mais le fait était là. Ça aurait pu ne pas âtre lui, qui arrivait. C'étaient des bruits de pas, comme les autres, qui claquaient contre le bitume. Ça aurait pu être un vampire, ou un inconnu, une menace. Mais non. C'était Sullivan, sans aucun doute acceptable. Peut-être le reconnaissais-je à l'aura. Cependant, et ne croyant pas vraiment à ces histoires d'aura, je me contentais de me dire que c'était parce que je lui avais demandé de venir et l'attendais que je me disais que c'était lui - ce qui est une suite somme toute logique. Et c'était pour répondre à ce doute, que je venais de me créer, que je tournais la tête.
Et c'était bien lui.

" Bonsoir, Sulli. "

Accompagné d'un sourire en sa direction, également. Finalement, il ne s'était pas inquiété plus que ça à cause de son texto. Tant mieux, d'ailleurs. Il devait avoir déjà assez de choses pour s'occuper l'esprit sans qu'on ait besoin d'en rajouter d'autres.

" Beau travail... Tu m'avais demandé de venir Jack ? "

Du beau travail, hein ? Dire que je n'avais même pas regardé les cadavres, finalement. J'avais préféré détourner le regard. Comme l'aurait fait n'importe quel humain normal, me direz-vous. Sauf que moi, je devais faire ce genre d'exécutions souvent. Je devrais pouvoir regarder un cadavre, froidement, en tant que corps déchu d'un être ayant vaguement existé, un jour. Mais non. Moi, non. Moi, je détournais le regard, dans un mélange de gêne et de honte. Moi, j'avais regardé ailleurs, comme ces gosses qui cachaient leurs yeux quand on leur offrait le spectacle d'un baiser. C'était navrant.
En quittant mes pensées, je découvrais que je regardais, vaguement, le pied d'un des cadavres. Et, aussitôt, je relevai la tête, pour poser mes yeux sur Sullivan. Puis, en souriant, j'allai m'adosser au mur, du côté d'Adelicia, pour la faire se retourner, et amener le regard de Sullivan sur elle.

" C'est pas moi qu'il faut remercier pour ça. "

Puis, me détachant du garçon, je tournai la tête, pour poser mes yeux sur la jeune femme, sui avait commencé à s'éloigner, pour une raison obscure.

" Cette demoiselle aimerait rejoindre la Coalition. "

Sullivan relève la tête et détaille Adelicia. Il avait une impression étrange... ce n'était pas comme ça que la Coalition recrutait habituellement, elle piochait parmi les proches de victimes de vampires, ou des gens qui avaient survécu a une attaque parce qu'on était arrivé juste a temps.
Ça serait bien la première fois qu'on recruterait quelqu'un qui arrachait la tête de trois hybrides avant que la cavalerie arrive. Il restait sceptique, ça pourrait faire penser a une mise en scène, mais pourquoi sacrifier trois hybrides pour faire rentrer un pro-vampire dans la Coalition? Un a la limite... trois si ils s'étaient enfuis alors que Jack arrivait... mais trois morts pour une simple infiltration?
Ils n'avaient aucun tabou, aucun dégout, aucun honneur ou respect mais tout de même! Ils ne sacrifieraient pas les leurs pour si peu... il était tout de même méfiant. Est-ce que c'était vraiment si peu? Son regard de glace s'arrête sur les yeux de la louve. Il suivrait la routine et il aviserait.

- Et bien Mademoiselle Adelicia je pense que nous pouvons sauter la question sur vos aptitudes au combat... Mais nous aimons savoir pourquoi nos membres se battent... A priori vous connaissez déjà l'existence des vampires, dans quelles circonstances avez vous fait leur découverte?

Il chope un hybride par le devant de sa chemise et le traine jusqu'à la poubelle en flammes. Les cadavres... les gens se posaient des questions si on en laissait trop. Et rapidement le groupe qui défendait ses semblables se retrouvait dans le rôle de l'organisation de tueurs, de terroristes et de déséquilibrés mentaux. On avait assez de problèmes avec les seuls vampires... heureusement ils avaient des contacts dans différents organismes légaux, tout comme les vampires avaient des contacts avec les organisations souterraines... mais si la presse l'apprenait les contacts auraient du mal a calmer la panique...

- Ensuite... j'aimerais un petit résumé de vos liens familiaux, on préfèrerait le savoir si vous allez adopter le tempérament suicidaire de ceux qui n'ont rien a perdre et tout a venger...

Il prend un second cadavre alors que le premier commençait a s'enflammer.

- Voyons... ah oui! Numéro de téléphone et adresse. Si on veut te contacter il faut qu'on sache ou aller et qui appeler...

L'ambiance était d'une froideur presque insoutenable malgré le feu intense qui jaillissait de la poubelle. Adelicia savait qu'elle devait se montrer prudente. Heureusement pour elle, c'était une femme assez effacée,elle savait se faire discrète à un point que les gens oubliait bien vite sa présence...Mais ce soir,toute l'attention était portée sur elle, la louve n'appréciait pas vraiment mais elle n'avait pas le choix. L'hybride tourna la tête alors que le regard de l'humain vient se poser sur le sien....non, qu'il ne regarde pas de trop près... ses yeux avaient quelque chose de trop bestial, la couleur de ses prunelles rien qu'à elle montrait déjà comme la jeune femme était bien différente des humains... néanmoins, la femme soutint ce regard, nullement impressionnée par la froideur de Sullivan, ses yeux étant bien pires...s'il voulait jouer à celui qui avait le regard le plus perçant, le pauvre allait perdre sans aucun doute...après tout,il n'était pas simple de se dresser face à un prédateur.

- Et bien Mademoiselle Adelicia je pense que nous pouvons sauter la question sur vos aptitudes au combat... Mais nous aimons savoir pourquoi nos membres se battent... A priori vous connaissez déjà l'existence des vampires, dans quelles circonstances avez vous fait leur découverte?

Un grondement sourd s'échappa de la de poitrine de la femme, elle aurait aimé le retenir mais ce fut trop difficile. Au pire, elle pourrait toujours prétexter que cela venait de la poubelle en feu... Pourquoi une telle réaction ? Eh bien simplement qu'Adelicia n'aimait pas du tout la façon dont Sullivan cherchait à se montrer supérieur. Elle pouvait lui briser la nuque en deux avant même qu'il ait eu le temps de réagir... Bordel, elle avait 200 ans de plus que lui ! A ses yeux il n'était qu'un bébé !!!

- J'ai toujours connu les vampires. Leur histoire est étroitement liée à la mienne... à ma famille...Mes parents ont été massacrés sous mes yeux quand j'avais 16 ans. Ça vous va ou c'est pas assez tragique pour vous monsieur Herns?

Son ton était glacial comme jamais. Elle connaissait l'histoire de Sullivan, elle savait qu'il comprendrait pour cette notion de "massacre", oui,elle s'était servie honteusement de son malheur à elle, à lui, pour lui faire comprendre. Elle s'approcha de l'humain sans réprimer une grimace de dégout à son odeur... tiens c'est bizarre ça...il sentait les bonbons, ces espèces de machins à la fraise plein de sucre... pourtant, il n'avait pas une tête à se jeter sur ce genre de gourmandises, mais l'odeur sur lui était assez forte.. ah... une odeur de femme... discrète. Adelicia plissa les yeux, suivant le tracé de l'odeur qui s'étendait jusqu'aux lèvres de l'humain... Sullivan avait-il une relation avec une femme? Peu importe...ça ne la regardait pas,quoique... si elle venait à le sentir si vite, les vampires feraient de même et si ce cher monsieur Herns avait une peut-être "petite amie", il ferait mieux de se méfier, les vampires adore jouer à la torture psychologique avec les humains....

- Ensuite... j'aimerais un petit résumé de vos liens familiaux, on préfèrerait le savoir si vous allez adopter le tempérament suicidaire de ceux qui n'ont rien a perdre et tout a venger...

Adelicia émit un rire amusé mais y mit fin bien rapidement, s'emparant du pied d'un cadavre qu'elle tira à une main sans aucune difficulté mais prit tout de même la peine de le soulever à deux pour le jeter dans le feu, inutile de porter trop de soupçons sur ses "aptitudes physiques".

- Je n'ai plus de famille monsieur Herns...depuis bien longtemps déjà....

Elle se stoppa, fixant le feu avec un air absent.En fait si, il y avait bien quelqu'un..un homme qu'elle adorait mais sa relation avec lui était étrange et difficile d'autant qu'ils ne se voyaient que rarement et qu'à la pleine lune...

- Thiago...

La louve avait murmuré le nom de l'originel avec tendresse, le regard absent. Il n'était qu'un ami, un protecteur, mais tout de même... il était le seul depuis des siècles avec qui elle avait tissé un semblant de lien affectif.

- C'est un ami... mais on se voit rarement... je n'ai que lui.

- Voyons... ah oui! Numéro de téléphone et adresse. Si on veut te contacter il faut qu'on sache ou aller et qui appeler...

- Je n'ai pas de téléphone, j'habite au 23 Boulevard des Pins, 5ème étage, appartement 13.

La femme s'approcha, se plaçant face à Sullivan.Il la dépassait de deux bonnes têtes facilement et même s'il n'était qu'humain, il avait une carrure assez impressionnante, mais jamais sa force de rivaliserait avec celle de la louve, alors non, elle n'avait pas peur de lui.

- Je vais être claire... j'en ai rien à battre de vos questions à la con, je suis venue pour vous proposer mon aide, alors si vous en voulez pas, dites le de suite et j'irais botter le cul de ces putains de sangsues seule comme je le fais d'habitude.

D'un geste rapide elle dégaina son Desert Eagle et lâcha:

- J'ai survécu deux fois à leur reine, je me tape ses sous-fifres à longueur de temps, je suis plus à ça prêt... juste à vous de voir si vous voulez profiter de mes connaissances.. ou non.

La femme tourna la tête, tendis le bras vers Jack et tira. Non... ce n'est pas lui qu'elle visait mais un autre hybride qui s'approchait de lui discrètement, caché dans la pénombre. Le vampire se prit la balle en pleine poitrine en gémissant de douleur alors que la louve plongea son regard irréel dans celui de Sullivan et murmura mielleusement:

- Alors ?

Je regardais la scène, passif, n'écoutant d'une oreille oisive que quelque mots que prononçait Adelicia. Je ne la surveillais pas vraiment - pas plus que je ne l'aurais fait pour n'importe qui -, et laissait mon regard dériver sur le feu, qui ne s'éteignait pas alors qu'il avait déjà sûrement brûlé les cadavres. Se nourrissant de ce qu'il pouvait pour subsister un peu plus longtemps dans la fraicheur de la nuit, ses flammes se décomposaient, lentement, dévoilant une odeur nauséabonde.
Puis, lorsque le feu m'écœurait à nouveau, je reportais mon regard sur les protagonistes. Sullivan se méfiait d'elle, comme de n'importe qui, et elle parlait avec recul et tristesse. J'inspirais profondément et essayais de me concentrer sur ce qu'elle disait.

« Je n'ai plus de famille monsieur Herns... depuis bien longtemps déjà... »

J'expirais dans un soupir. C'était toujours triste d'entendre ça. Ça lui rappelait que lui-même n'avait pas pu profiter de la sienne. Ou alors, au contraire, il avait juste gâché des bons moments. Et pourquoi ça ? Par pure satisfaction ? Eh ouais, regardez moi, ce putain de Jack, qui a tué sa famille dans un simple intérêt personnel. Et, pire que ça, pour son simple plaisir. Non parce que ça n'aurait pas été drôle de les voir mourir naturellement, il avait fallu que je les tues moi-même. Juste pour la satisfaction de m'être, un peu plus, auto-détruit.
Ce fut la voix de Sullivan qui me traina hors de mes pensées.

« Voyons... ah oui ! Numéro de téléphone et adresse. Si on veut te contacter il faut qu'on sache ou aller et qui appeler... »

Un bruit retint son attention. Le bruit d'une goutte dans les flammes. Je regardai, au dessus du conteneur, et vis une gouttière perler. En fait, la conversation ne m'intéressait que peu, et tant mieux, puisque je n'y était d'aucune utilité. Je me contentais d'admirer, passivement, cette gouttière qui se déversait au goutte à goutte pour apaiser le feu.

« Je vais être claire... j'en ai rien à battre de vos questions à la con, je suis venue pour vous proposer mon aide, alors si vous en voulez pas, dites le de suite et j'irais botter le cul de ces putains de sangsues seule comme je le fais d'habitude. »

Ça pouvait paraitre logique, quand même. Si elle venait de tuer trois vampires, ça n'était sûrement pas la première fois qu'elle le faisait, donc, coalition ou pas, elle les tuait. En fait, à partir de ce point, je me demandais quel était l'intérêt de participer à la coalition. Mettre sa volonté de vengeance personnelle au service d'une cause plus grande ? Ce serait bien trop noble, comme mode de pensée. Peut-être juste nous surveiller, en fin de compte. Mais pourquoi quelqu'un qui serait contre les vampires voudrait venir surveiller la coalition ? Il n'y avait quand même pas un autre groupe qui luttait contre les vampires, on en aurait entendu parler, sinon.

« J'ai survécu deux fois à leur reine, je me tape ses sous-fifres à longueur de temps, je suis plus à ça prêt... juste à vous de voir si vous voulez profiter de mes connaissances.. ou non. »

Reine.. sous fifres.. à en parler comme ça, on aurait dit qu'ils étaient des apiculteurs frustrés qui s'étaient retournés contre leurs propres essaims. Je n'eus pas le temps de penser à autre chose que je vis Adelicia lever son revolver dans ma direction. J'avais baissé ma garde. Elle tira. Sur un vampire, derrière moi. J'avais encore plus baissé ma garde. Ça en serait presque honteux.
Je me retournai vivement, juste assez pour le voir gémir de douleur à l'impact de la balle, et un sourire fendit mon visage. Sourire que je ravalai avec hâte dès que je réalisai qu'il s'était emparé de mes lèvres.
Je m'approchai du vampire et sorti un katana, et lui tranchai rapidement la tête, histoire de ne pas avoir à subir la vue d'une quelconque agonie. Je me saisis de sa tête et l'envoyai dans le conteneur, pensif. Que foutait un vampire ici, où se déroulait déjà un feu de joie qui servait de crémation à trois de ses congénères ? L'odeur de mort était perceptible au nez d'un simple humain, alors il avait du se rendre compte de ce qui l'attendait bien avant d'arriver. Soit c'était un abruti finit, soit il se surestimait vraiment. Et, dans le deuxième cas, c'était un abruti fini également.
Je reportais mon regard sur Adelicia, à peu près neutre, vaguement gêné. Elle m'avait épargné pas mal de dégats, après tout.

« Merci. »

Sullivan ne tique pas lorsque Adelicia lui parle avec dureté. Non plus lorsqu'elle abat un vampire juste derrière Jack. Mais il tire son lupara de sa veste avant de fouiller l'obscurité du regard.

-Votre histoire Mademoiselle c'est celle de grosso modo tout le monde a la coalition... sauf qu'il est rare que les membres aient chassé les vampires avant d'y rentrer... profiter de vos connaissances? Je pense que je sais tout ce qu'il y a a savoir sur ses saloperies. Votre expérience par contre nous serait utile...

Il fermes les yeux cherchant toujours a sentir la présence attendue dans le noir... oui c'était bien ce qu'il avait pensé, l'hybride n'était pas fou... juste ignorant d'une partie d'un plan plus vaste. Avait il était envoyé en diversion ou avait il prit l'initiative d'aller au devant.

-Il n'était pas seul... Il a essayer d'éliminer Jack pendant qu'on ne le regardait pas mais il n'était pas seul... il avait confiance en quelque chose... ou en quelqu'un...

Il vérifie rapidement qu'il a bien chargé son arme, comme toujours c'était le cas... Il n'oubliait pas des détails pareils, justement parce qu'il les vérifiait constamment. Il regarde l'ombre en face lui et marmonne.

-Sors sors... nous savons tous les deux que tu es là... Tu veux jouer a cache cache? Tu vas perdre, tu vas perdre...

Il dépasse l'entrée d'une ruelle après n'y avoir jeté qu'un rapide coup d'oeil... Il tourne donc le dos a l'ombre qui en jaillit pour lui sauter dessus. Mais ça ne semble pas le déranger pour envoyer une décharge de plombs a bouts portant dans la poitrine du mordu de fraiche date...

-Perdu...

Mais le mordu projeté contre le mur se contente de se régénérer en souriant. Sullivan esquive un ami de sa victime, apparemment tombé d'un toit proche dans le but de l'immobiliser... Un tir a bout portant dans la tête semble pouvoir le calmer de façon momentanée mais il a à peine le temps de recharger que le premier qui a un peu récupéré lui saute dessus en souriant de toutes ses dents pointues. Et l'aube était encore très loin... Il reste toutefois calme alors qu'il lutte avec le vampire fou furieux, il était encore plutôt faible sous sa nouvelle forme fort heureusement... Sullivan réussissait a le maintenir a distance tout en acheminant patiemment le canon de son arme vers une bonne cible.

- Je pense que cette nuit va être longue... en tout cas votre demande d'adhésion est acceptée Mlle Adelicia... en espérant que vous vous plairez chez nous!

Il presse la détente en souriant au vampire inconscient. Celui ci semble peu se préoccuper de se faire exploser le cœur, mais dans l'immédiat ça lui donnait un répit... en fait il devait probablement se penser invincible... pauvre petit, la désillusion serait douloureuse... Après un certain nombre de blessures ils ne pourraient plus se régénérer et ils n'auraient alors qu'à les saucissonner en attendant l'arrivée du soleil...

C'était quoi, une embuscade ? Je soupirai en voyant arriver un mordu. Ceci dit, ça aurait été incompréhensible qu'un simple hybride nous attaque tous trois en étant seul. Mais même s'il servait juste de diversion, deux vampires si faibles ne nous attaqueraient pas seuls. Pas comme ça.
Je ne regardais même pas Sullivan faire. Je savais qu'il n'aurait pas besoin d'aide pour battre un vampire aussi faible, surtout qu'il ne pouvait pas compter sur l'effet de surprise. Je baissais les yeux pour regarder le cadavre sans tête de la sangsue, sous moi. Je l'attrapais par les vêtements, et le trainai jusqu'à la baine, pour alimenter un peu plus le feu qui se consumait, emportant avec lui les traces du combat.

Au même moment, Adelicia s'approcha de moi, avec le cadavre du mordu. Elle avait été rapide pour l'abattre. Peut-être un peu trop, mais ça, je n'y songeais même pas. Elle m'emprunta un sabre, et je m'efforçais de le lui laisser, sans broncher.

« Merci. »

Je récupérais mon sabre et le remis dans le bon sens en l'envoyant en l'air, puis tourna vivement la tête, entendant un bruit. Je m'enfonçais dans la ruelle, puis tourna à gauche, à la recherche du vampire qui avait fait ce bruit. Soyons honnêtes, il y avait peu de chance que ce soit autre chose qu'un vampire, qui venait de faire ce bruit. Ou les deux précédents étaient vraiment idiots. A mon avis, il en sortirait une petite troupe, comme ça. Peut-être venaient ils venger pour les morts précédentes. Et d'autres viendraient venger les leurs. Encore et encore.
Je sortis mon deuxième sabre et esquissai un sourire en voyant le vampire. Un hybride, seulement. Il se jeta sur moi, tendis que j'en entendais d'autres arriver du côté de Sullivan et Adelicia. Essayaient-ils de compenser un manque de force et de capacité au combat par le nombre ? C'était une tactique comme une autre. Mais arriver au compte goutte était vraiment risible, dans ce cas. Sans trop réfléchir, je bloquai l'attaque de l'hybride par un coup latéral, puis me jetai sur lui, lui enfonçant une de mes armes dans le coeur, transperçant sans trop de problème la cage thoracique. Ou passant entre les côtes, plutôt.
Puis je lui tranchai la tête et revint près du feu, la jetant également dans la baine, et ravalant l'horrible rictus qui me dévorait le visage. Ceci dit, j'étais contente d'avoir réussi à tuer cette sangsue proprement, sans avoir à voir combien de centimètres pouvait gagner son bras avant de se voir arraché.

Puis je revins à ma position initiale, m'adossant à un mur, attendant qu'une autre proie daigne nous faire l'honneur de sa présence.

Prenant les deux mordus temporairement hors de combat par la jambe Sullivan les traine jusqu'à la benne et les ajoute au feu, avec un peu d'essence parce que le feu commençait a mourir et qu'il était important qu'il tienne encore un bon moment sans que les autres vampires puissent s'en approcher, il rajoute un autre composant au feu avant de s'en éloigner, un composant qu'on appelait autrefois le feu grégeois. Que les vampires essayent donc d'éteindre ça... On entendait beaucoup de mouvement dans le noir, des mouvements trop nombreux a son gout. Il n'aimait pas battre en retraite mais l'infériorité numérique n'allait pas jouer en leur faveur.

-Je n'aime pas devoir dire ce genre de chose... mais il serait sans doute préférable qu'on se replie vers une position plus défendable.Mais je ne crois pas que marcher soit la solution la plus prudente pour rejoindre le Théâtre...

Il sort son portable et appelle l'un des numéros en mémoire, la discussion qui s'en suit est courte, c'est tout juste si Sullivan ne se contente pas de dire ou ils sont. Quelques instant plus tard un 4x4 freine dans une rue proche. A son bords les membres de la coalition ont semblé préférer les fusils d'assaut. Pas d'originalité particulière, de toute évidence ils étaient habitués a défendre le véhicule durant les retraites, pas a attaquer en solitaire des groupes de vampires. Sullivan y monte en faisant signe aux autres de le suivre.

-Autant vous montrer où est notre QG Mlle Adelicia... après tout même les vampires savent ou il est! Et on pourra y régler le problème de la joignabilité... Et vous inclure a nos missions régulières...

Il referme la porte après qu'ils soient monté et l'engin bondit brusquement pour sortir de la rue. Un hybride essayât bêtement de s'interposer contre la machine mais un premier choc contre le pare-choc renforcé et un second contre le pare-brise en verre blindé lui firent prendre conscience d'un rendez vous urgent avec ses amis pour une petite collation a base d'hémoglobine. Les autres furent rapidement distancés, quoique l'un ait du être détaché du pare-choc arrière par une rafale dans le bras parce qu'il salissait trop la route sur laquelle ils le trainaient.

Je ramenai ma main devant ma bouche et toussai. La fumée qui brûlait les corps s'épaississait au fur et à mesure que le feu se remplissait, et l'odeur âcre de mort et de viande cuite emplissait l'air. C'était particulièrement désagréable, surtout que je commençais à avoir faim. Comment pouvait-on trouver des cadavres appétissants ? C'était immonde.
Restant adossé à mon mur, j'observais Sullivan, qui, comme à son habitude, prenait les choses en main. Il était temps de battre en retraite : nous étions en sous nombre, et ces mordus ne mourraient pas. C'était un combat sans fin où seuls nous, humains, avions une chance de mourir. Vous parlez d'une équité.. J'inspirai profondément, par la bouche, pour ne pas sentir l'odeur, mais les arômes se déposèrent sur ma langue, me soulevant le coeur.

Puis un bruit me fit tourner la tête. Le fourgon était arrivé. Rapide. Comme toujours.. En son sein, des têtes connues : des coalitionneux. Je les connaissais tous, et j'étais capable de les nommer, peut-être même d'attribuer à chacun un style de combat. Pourtant, tous me semblaient inconnus. Mais je me contentai d'afficher un sourire, magnifiquement bien imité, et de les saluer, comme si ils étaient mes compagnons depuis bien longtemps.
J'entrai dans le véhicule et inspirai profondément. L'odeur de climatisation, de cuir et de renfermé était particulièrement mauvaise, mais, à ce moment là, il était difficile de s'imaginer à quel point les relans de pétrole qui m'envahissaient me plaisaient. Eux, aussi répugnants fussent-ils, avaient de quoi m'ôter cet arrière goût de chair humaine, qu'il me semblait connaitre un peu trop. Je m'installai au fond, contre la fenêtre, et, presque mécaniquement, je posai mon coude sur le rebord de cette dernière, ma tête dans ma paume.
J'aimais bien les voyages en voiture, puisque, dès que je prenais cette position, plus personne ne m'adressait vraiment la parole. Et le temps semblait s'arrêter. Et mes pensées se figeaient, alors que dehors, le paysage défilait, sans que je le lâche une seconde.

« Désolée monsieur Reagan, j'espère que ma présence à côté de vous ne vous gênera pas pendant le trajet. »

Pourquoi s'excuser ? Il n'y avait rien d'anormal à ce que l'on s'asseye à côté : le fourgon avait beau être grand, il était rempli. Puis ce n'était pas comme si j'avais quelque chose contre cette femme ; je ne la connaissais pas. Je répondis d'un simple signe de tête que non, et la voiture démarra. Aussitôt, je regardai la fenêtre. Même les corps des vampires ne me répugnaient plus, et, bien que tout bougeait, j'avais l'impression que tout s'était arrêté.
Comme une sorte de fin.