_____Au soleil couchant, le monde prend une toute autre allure. Bien distincte du jour. Mais pourtant tout aussi distincte de la nuit. Frère du lever de l'astre de lumière, le coucher de celui-ci est à la fois son parfait contraire et son semblable. L'un annonce le soir. L'autre annonce le matin. Les deux teintent le ciel de couleurs nouvelles. Une journée s'écoulait, emportant avec elle bons et mauvais moments. La noirceur reprendrait ses droits et balayerait chaque poussière de ces instants éphémères qui ne seraient plus que souvenirs une fois la lumière revenue. Puis, le temps ferait son effet. Mettant peu à peu un baume sur les coeurs brisés. Teintant peu à peu de nostalgie chaque minute de joie. Jusqu'à ce qu'un renouveau se fasse. Même si, la plupart du temps, un renouveau ne suffit pas à effacer tout ce que l'esprit conserve jalousement auprès de lui. Dans un ciel teinté de flammes orangées, quelques nuages finissaient leur voyage vers d'autres horizons. Jusqu'où allaient-ils ? Combien de temps faisaient-ils le tour du monde avant de sombrer dans le néant ? Leur danse avec la terre était-elle éternelle ou finissait-elle par s'arrêter, lorsque Dame Nature l'en avait décidé ? Avec les années, ces boules de coton se transformaient, comme si elles envisageaient de perpétrer le mythe auquel les enfants ont tous cru un jour ou l'autre de leur vie. Comme s'ils voulaient que les plus vieux aussi les considèrent comme des entités étranges se baladant autour de la terre, même si c'est celle-ci qui les visite dans sa ronde éternelle. Dans les bois, chaque petit animal se préparait pour la nuit. Vérifiant si ses petits étaient bien à l'abri. S'assurant qu'un quelconque danger n'était pas dans les parages. Au-delà des montagnes, on pouvait voir le soleil amorcer doucement sa descente. L'intensité de ses rayons se réduisait peu à peu, embrasant l'infini, le faisant passer de l'azur à une couleur rappelant le feu. D'ici quelques heures, la lune prendrait d'assaut les cieux, emmenant avec elle son manteau d'un bleu océanique, teinté d'étoiles luisant en choeur. Spectacle empreint d'une beauté naturelle faisant étinceler les regards. Banalité pourtant merveilleuse.

_____Assise sur le tronc d'un arbre ayant cédé au vent, à l'orage ou au temps, Emma tendait l'oreille. À la recherche d'un bruit quelconque pouvant trahir une présence. N'obtenant rien d'autre que le silence. Un silence grandissant au fil des secondes, devenant peu à peu envahissant. Avec un léger soupir qui s'envola dans l'air, l'hybride se releva, commençant à avancer silencieusement de son pas fluide. Les quelques arbres autour d'elle ne suffisaient pas à cacher la plaine s'étendant tout autour et elle pouvait apercevoir une famille de cerfs profitant de la fraîcheur d'une fin de journée. Le bois n'était que l'ombre de ce qu'était la forêt. Cette forêt dense et paraissant sans fin. À la fois débordante de vie et aussi calme qu'un simple murmure. Cette fille de la liberté que tout le monde voyait dans ses rêves au moins une fois. Là-bas, tout vivait en harmonie. Comme dans un commun accord. Pourtant, quelque chose ici créait un charme propre à cette partie de nos contrées. Peut-être les quelques rayons de soleil arrivant à percer doucement entre les arbres, donnant une ambiance apaisante à l'endroit. Ou encore le ciel, bien visible à travers les feuillages hauts placés, à quelques mètres du sol. Sans oublier qu'il était très utile aux Loups d'avoir un lieu comme celui-ci. Près de leurs ennemis sans y être exposé.

_____L'hybride laissait son regard embrasser l'horizon lorsqu'un léger chatouillement sur l'un de ses bras attira son attention. Papillon. Créature gracile aux effluves de liberté. Elle souffla délicatement dessus, le poussant à s'envoler. En suivant son trajet des yeux, la louve découvrit les vestiges d'un ancien feu de camp. Charbon, poussière et morceaux de bois consumés. Comme les fantômes de ce qui était des arbres, autrefois. Ayant pointé fièrement vers le ciel avant de s'écrouler au sol, trop épuisés pour continuer ainsi. Un sourire vint égayer le joli visage de la fille d'Azghar. Elle s'éloigna à pas lents, ramassant quelques branches trouvées par terre, entre les pommes de pain et les épines de sapin avant de les cumuler à l'endroit où un feu avait déjà été fait auparavant. Ceci fait, la jeune femme frotta deux des bouts de bois amassés l'un contre l'autre. De fines flammes s'élevèrent progressivement. Une fumée claire monta vers le ciel, tel un spectre en ascension vers le paradis. Une chaleur paisible émanait du feu et quelques étincelles allaient voleter dans l'air. Emma veilla cependant à ce que la source de lumière incandescente ne grossisse pas trop, pour ne pas alerter les vampires, une fois que le soleil aurait disparu. De toute façon, elle ne comptait pas rester là toute la nuit. Quelques heures après que le soleil ait fini de descendre à l'horizon, elle regagnerait sa tanière sans plus traîner, pour ne pas inquiéter son père inutilement.

_____Probablement qu'au fond d'elle-même, elle se doutait qu'elle risquait de ne pas rester seule longtemps. Même si elle était discrète, la fumée serait visible du côté des terres lupines sans compter que son odeur était facilement reconnue par plusieurs Loups de la meute, puisque tous la connaissaient ne serait-ce que de quelques bribes de rumeurs entendues. Elle espérait, au fond d'elle-même qu'elle ne se trompait pas. La solitude était souvent un poids pour elle, ayant l'habitude d'être entourée de gens veillant à la protèger ou ayant simplement envie de passer du temps en sa compagnie. Soupir. L'inactivité était décidément l'une des pires cages que l'on pouvait lui imposer. Elle se coucha de tout son long sur le sol et commença à regarder l'astre du jour continuer lentement sa descente. Parfois, lorsqu'elle était beaucoup plus jeune, il lui arrivait de faire un compte à rebours lors de ses dernières minutes dans le ciel. Lorsqu'il était fini, elle fermait les yeux. Puis s'endormait. L'esprit tranquille. Le sourire aux lèvres. Mais, aujourd'hui, pas de décompte. Elle se contentait désormais de le regarder, en silence. Il y avait quelque chose d'apaisant dans ce spectacle. Même après quatre siècles. Même si elle en avait sûrement vu des milliers dans sa longue vie. Cet infini enflammé dégageait une chaleur intangible. Chaleur se glissant doucement jusqu'au coeur. Réchauffant celui-ci. Emma resta là. Sans bouger. Laissant cette ambiance chaleureuse l'inonder. Glissant ses espérances dans un coin de son esprit.