Enfin, Nikolaï donna signe de vie, au plus grand bonheur de Morgana. Le vampire lui répondit d'une voix pâteuse, comme s'il venait de se réveiller. La pin-up rit derrière la porte, elle savait comme Niko était un gros fainéant. Elle l'imaginait gisant sur son immense lit king size... ah ce qu'elle lui enviait cette merveille dans lequel dormir semblait vous donner un gout de paradis. Alors que la vampire continuait de fixer son petit coffret de bois, la porte s'ouvrit, laissant voir un Nikolaï peu vêtue.

- Moumette, tu me prends au dépourvu, je suis presque pas vêtu..! ben toi non plus. Vas-y, entre.

Moumette... ce surnom qui lui arrachait toujours un sourire. La plupart des gens voyant Morgana comme une femme sévère, certain l'adulait, d'autre la craignait... mais ce surnom lui faisait perdre toute crédibilité...c'est pour ça qu'elle l'adorait, il avait un petit coté enfantin. La vampire entra dans la chambre alors que son ami retourna d'allonger sur son lit comme une carpette.

- Ferme la porte ou ils vont s’imaginer des choses.

- Niko... ils s'imaginent toujours des choses... les gens passent leur temps à jaser.

Morgana sourit de plus belle et prit de bien refermer la porte derrière elle puis s'approcha du lit. Posant le coffret sur la table de nuit, elle s'amusa à chatouiller la plante du pied de son ami. Elle adorait le taquiner, il était comme un enfant... elle adorait aussi le gâter, manque de chance, ce soir elle ne lui avait ramené aucun cadeau, mais elle était sûre que ce qu'elle s'apprêtait à lui montrer vaudrait pour lui tous les cadeaux que la pin-up pourrait lui faire.

- Dis donc fainéant ! Je viens te voir et toi tu restes à carpetter comme un gros cachalot sur une plage !

Morgana arqua un sourcil et glissa son doigt au creux des reins de Nikolai, crochetant son caleçon. Elle tira sur l'élastique et le relâcha avec force, le faisant claquer sur son postérieur. Réveille pas du tout en douceur!

- Allez ! J'ai retrouvé un joli souvenir Niko...

La vampire prit le coffret et s'assit près de son ami en souriant. Elle ouvrit le coffre à l'aide d'une petit clé d'or qui était déjà dans la serrure. L'ouvrant, elle dévoila une bonne centaine de vieux papiers, toutes des lettres que Nikolai lui avait écrite ces 900 dernières années. Pour Morgana, c'était un fabuleux trésor. Elles étaient toutes là, il n'en manquait pas une seule.

- J'ai tout gardé tu sais...

Son regard se fit plus tendre alors qu'elle tira une dizaine de lettres du coffre.

Elle envahissait son espace vital a coups de titillement du pied. Nikolaï se recroquevilla en ronchonnant entre ses dents serrées. Des paroles étouffées qu’il valait mieux ne pas comprendre et qui finalement, collés tous les uns a la suite des autres, ne voulaient strictement rien dire. Seul un ‘grognasse’ s’était audiblement réchappé d’entre la montagne de coussins où son visage était toujours enfouis lorsque Morgana avait fait claquer l’élastique de son boxer au dessus de son sublime postérieur. Remontant d’une main l’espèce de Short de surf qu’il portait habituellement sans rien dessous, lors de ses baignades éventuelles. Il se redressa ensuite mollement et se frotta le tatouage machinalement.

« Beh, dis-moi de quoi tu parle, j’ai du mal à te suivre là. »

Avant même qu’elle ai pris le temps de lui répondre, Morgana ouvrait déjà un petit coffret de bois laqué. Un joli petit coffre pour y mettre pleins de merdes et conneries en tous genres, comme Niko en possède des tonnes. ‘Elle est folle elle un peu..’ L’Originelle tira de sa boite de bois un paquet de feuilles qui semblaient fort familières à notre vampire préféré. ‘Ces lettres ? T’ain.’ Lui aussi les avaient gardés, mais où.. Là était toute l’intrigue. Pendant de longues, très longues années même, Morgana et lui avaient conversé par lettres qui, à l’époque prenaient probablement un mois voir deux à parvenir à l’un et l’autre. C’était marrant à l’époque, d’attendre les réponses mois par mois. A chaque fois, il devait se passer tellement de choses que ces lettres devenaient de parfaits résumés mensuels ou même bimensuels si les conditions n’étaient pas les meilleures. Baillant une autre fois, Nikolaï s’étirait de tout son long en gémissant d’aise.

« Merde, lâcha t-il avant de soupirer en relâchant tous ses muscles. Tu les as gardées, il en survola quelques unes et bondit hors du lit, déclarant d’un ton neutre. Je les ai encore.. J’en ai aperçu la pochette. Ca doit faire… Je sais pas. Trente ans .. ? »

Dans une vie de vampire, du moins, aussi longue que la sienne. Trois décennies sembleraient à une demi-heure pour un humain, découlant donc de cette anecdote, un constat. Nikolaï à une mémoire courte et défaillante, pour les choses de ce genre. S’approchant d’un mur sur lequel se trouvait une lumière et un tableau qui ne voulait rien dire, il décrocha de derrière l’applique murale une petite clef dorée pour ouvrir la porte se trouvant dans le coin de la chambre. Nikolaï avait certains avantages à être bras droit d’Amélia. Pour commencer il avait une chambre plus grande que les autres mais plus réduite que celle de sa maitresse. Ensuite, il avait quasiment pleins pouvoirs sur les autres et pour terminer cette très courte liste, Amélia fermait souvent les yeux sur ses extravagances, qui semblaient la faire rire. Quoi qu’il en soit, cette porte était la seule que l’Originel fermait à clef en toute circonstances, penetrant alors dans ce qui aurait put être une suite ou un second salon, il commençait à fouiller dans son joyeux bordel pas du tout organisé. Là c’était entassé pas même le dixième de ce qu’il possédait, le reste étant resté en sa demeure Britannique. Des armoires débordantes de choses en tous genres, des étagères pleines de figurines, crânes et autres fossiles, souvenirs de voyage et autres étaient à l’image de tous les grands coffres de bois d’une qualité certaine qui dégueulaient de paperasse. Ouvrant le premier après avoir poussé un tas de documents qu’il posa sur un autre derrière lui.

« J’ai du les laisser dans le coin, j’arrive. »

Sa voix se faisait lointaine tant il s’enfonçait dans sa jungle de souvenirs. Faisant valdinguer un tas de lettres et actes de propriété divers, il posa négligemment son sextant sur une étagère déjà pleine à craquer. Puis, poussant une carte jaunie par le temps qu’il posa contre le mur, il sortit une pochette cartonnée. Laissant lourdement tomber le couvercle de bois dans un grand fracas qui fit tomber un autre tas de livres ancien, il sortit de la pièce à grands pas pour ne pas faire tomber d’autres tas à même le sol. Refermant bien à clef la porte derrière lui, il la raccrocha derrière une autre applique murale tendis qu’il s’approchait de son lit sur lequel il s’étala, posant ses jambes sur Morgana il ouvrit la pochette pleine –elle aussi-. Contemplant le tas de papiers sur son lit, il gloussa en regardant son amie, la tête appuyée sur sa main, reposant sur son coude.

Nikolaï l’observait par moments et en silence, concentré sur ses propres lettres, pour trouver celles dont il se souvenait particulièrement. Soulevant un tas posé à l’envers du paquet, il tomba sur une date, plutôt sur l’année d’écriture. Elle se situait presque 5ans après la supposée mort d’Ewilan, que Nikolaï n’avait jamais rencontré. L’originel c’était toujours demandé à quoi il pouvait ressembler, cet Ewilan dont il avait finalement pas beaucoup entendu parler. Nikolaï se doutait bien que se sujet devait être douloureux. C'est pourquoi il n’en abordait jamais directement le sujet. En prenant deux ou trois de la même année il écoutait a nouveau Morgana avec attention. Se replaçant sur le dos, il plaça les trois lettres face à ses yeux à hauteur de bras. Et puis son choix se reportait sur l’une d’elle qu’il commençait à relire tendis que ‘moumette’ lui demandait de la lire à voix haute.

« Ma tendre amie. J’ai lu et relu ta dernière lettre avec beaucoup d’attention. Tes mots sont si bien écrits que j’ai l’affreuse impression que tu essaie de me tromper. Si je ne te connaissais pas mieux, je pourrais croire à une telle netteté émotionnelle. Je ne veux pas t’inquiéter mais je me fais un minimum de soucis pour toi. Tes récits me font penser aux miens, j’ai pu moi aussi goûter aux délices de l’orient et aux mystères des gens jaunes il y a des années de ça. Les jeunes mangeuses de riz sont d’une souplesse impressionnante, je me suis rarement senti aussi bien que sous la pression de leur pieds sur mon dos. Elles m’ont défait bien des maux. A deux ou plus encore, elles sont incroyablement distrayantes. En revanche leurs vêtements ne sont absolument pas pratiques à retirer, et tu connais ma patience, elle est quasi inexistante ainsi, je te laisse imaginer ce qu’il en suit. L’hiver arrive, les jours raccourcissent alors je vais pouvoir me distraire d’avantages. Ceci dit le froid ne me manque pas, et je n’ai nullement envie de retrouver mes vêtements de mauvaise saison. Il faudrait que tu m’envoie une nouvelle male de vêtements chauds, ceux de la dernière saison ont l’air affreusement démodés […] »

Nikolaï ricanait à nouveau. Il était impressionnant de voir comme il était dépendant des créations de Morgana. C’était elle qui avait initié notre Originel aux joies de la mode. Et désormais, il ne supportait plus porter des vêtements plus d’une saison. Morgana McBeth. Côtoyer cette Originelle avait changé notre Blondinet sur quelques points, probablement pas les plus importants, certes, mais quoi qu’il en soit, elle avait eu un impact sur ce bout de chaire vieux de multiples siècles ayant des manies et habitudes ancrées jusqu'à la moelle. Survolant deux trois lignes concernant les vêtements, il reprit, se passant une main dans les cheveux pour repousser les mèches qui lui tombaient devant les yeux.

« […] Les journées se font parfois longues sans ton agaçante manie de vouloir contrôler la totalité de ton monde. Je m’ennuie tellement parfois que je m’en vais faire un tour du côté des mordus pour jouer avec le bétail. Il faut aussi que je t’avoue que l’absence de mon frère me pèse. Sa disparition m’inquiète Morgana, il n’est pas le seul Originel à avoir disparu ces derniers temps. Il me manque tu sais, je le cherche toujours mais en vain. Je perds peu à peu l’envie et la force de le retrouver. Mais peut-être ne veut-il pas que je le retrouve. Je ne sais trop quoi penser, alors fais attention à toi.
Sur ces mots Morgana, ma tendre amie je m’en vais poser ma plume et sortir les crocs.

Nikolaï Eastwood. »

Sa voix s’éteignait tendis qu’il plissait les yeux. Le souvenir de son frère restait douloureux. Mais cette faiblesse n’était percevable que quelques secondes dans ses yeux qu’il reportait sur Morgana, une lueur amusée dans le regard.