L'endroit était désert, silencieux. Alice, accompagnée de ceux qui se disaient être ses parents, avançait d'un pas décidé tandis que ces derniers se méfiaient. Quelques rayons lunaires parvenaient à pénétrer l'endroit par-ci par-là, chose qui semblait non sans difficulté vu l'état délabré des lieux et la luminosité presque inexistante dans l'usine. Mais cela étant incontestable et vérifié à plusieurs reprises, les Vampires ont une vision nocturne peu commune. Alice se retourna, aperçut, un peu loin, ses parents toujours sur leurs gardes, puis s'assit lourdement sur un morceau de mur effondré, jonchant le sol. Elle poussa un soupir, le coude sur le genou, se soutenant la tête. L'ennui l'avait gagnée depuis un moment et l'envie de rentrer la démangeait plus que tout. Seulement, d'après les dires de ses géniteurs, le rendez-vous en question était de la plus haute - importance. Elle décida donc de rester.
Ayant déposé sa housse de violon à ses côtés, elle ne pouvait s'empêcher d'y jeter un oeil de temps en temps. Une fois qu'elle perdait contact avec l'objet, elle ne pouvait faire qu'angoisser à l'idée de le perdre. Elle posait quelques fois la main dessus, histoire de se rassurer.
« Pourquoi sommes-nous ici, père ? » demanda-t-elle, brisant le silence.
Elle l'avait presque hurlé pour que ces paroles atteignent son interlocuteur. Celui-ci, accompagné de sa femme et après avoir regardé autour de lui, s'assurant qu'il n'y avait aucun danger, s'avança plus rapidement vers sa fille.
« Je te l'ai déjà dit et répété, nous avons un rendez-vous de la plus haute importance et ne crie pas comme ça ! chuchotait-il. On ne sait jamais. On pourrait faire de mauvaises rencontres.
- Je sais bien, cela m'importe peu et ça ne me renseigne pas. Quel est ce rendez-vous ? »
Sa seule réponse fut un malheureux « Tu verras bien » qu'il lui cracha avant de détourner la tête. Ses parents lui tournaient maintenant le dos, Alice se leva, incommodée par cette présence à laquelle elle avait réussi à échapper durant plusieurs années. Elle avait appris à vivre seule et se retrouver en présence de ses parents alors qu'eux-mêmes avaient tué son frère... elle avait du mal à le supporter mais prenait sur elle en attendant de voir ce que cachait ce fameux rendez-vous. C'est alors qu'elle comprit. Elle sentit une présence entrer en ces murs, une présence vampirique... Une odeur que, malheureusement, elle n'avait jamais sentie auparavant. Elle retroussa les ''babines'', baissant les yeux et grognant discrètement. Ses parents, eux, accueillirent cet hôte tel l'un des plus grands rois. Après quelques échanges dont Alice ne saisit qu'un ou deux mots, trop dérangée par cette odeur étrangère, son père l'incita à les rejoindre.
« Viens, Alice. Notre rendez-vous est là.
- Qui est-ce ? »
Entre deux grognements, leur tournant le dos, ce fut la seule phrase qu'elle put caser. Elle tenta de se retourner, sans réellement d'efforts, mais l'exploit ne vint pas.
« Ton Protecteur.
- Un protecteur ?! »hurla-t-elle, maintenant face à eux.
Elle reprit son souffle un instant, se calma rapidement, regardant maintenant son nouveau ''jouet''. Un léger sourire sarcastique se dessina alors sur ses lèvres fines, pensant très certainement au traitement qu'elle allait lui assigner puis elle continua, interrompant alors son père qui semblait vouloir déjà se justifier.
« Amusant... Très amusant. Je n'ai vraiment aucun besoin de protection. Le payer pour ce boulot serait une erreur vulgaire à ne pas commettre.
- Ton comportement ces derniers mois nous a posé une quantité phénoménale de problèmes ! lança alors son père.
- Ma puce, tu as mis à plusieurs reprises ta vie en danger...
- Est-il prêt à en faire autant ? »
Regardant maintenant le futur employé de ses parents dans les yeux, remarquant dès à présent son allure, elle resta pourtant collée à son regard. Pour sa part, elle gardait un regard défiant.
« Comprenons-nous bien. Ce que je veux, ce que je fais... Tout ceci n'est qu'un jeu. Peu importe si la vie m'en coûte, je veux jouer. Alors ? Êtes-vous prêt à en faire autant et à me protéger même si je suis responsable de ce qui m'arrive ? »
