"Sur un air de Bach" [PV Morgana McBeth]

[Pardon, il faut que je marque le coup. J'ai écouté du Bach, en écrivant ça ! Du Bach ! Et j'écoute vraiment jamais de classique, mon dieu. x3]

Minuit approchait, tandis qu'Alice traînait inlassablement dans le parc. Silencieuse, comme à son habitude, elle contemplait les bosquets fleuris, qui la répugnaient fortement, bordant le sentier qu'elle parcourait. Même la nuit, leurs couleurs resplendissaient. Ces couleurs, elle ne les supportaient plus. Les fleurs non plus. Elle ne pouvait toucher ou sentir seulement des roses pourpres et blanches, des ''fleurs divines'', disait-elle. Ce sont bien là les seuls éléments divins qu'elle était capable de saisir et d'approcher.
Elle s'installa près d'un grand arbre, un saule pleureur, très certainement, regardant l'étendue de pelouse lisse qu'elle avait parcouru pour accéder à ce saliceceae. Elle passa de l'autre côté de l'arbre, trouvant alors, à ses pieds, un petit cours d'eau. Elle décida de s'installer à cet endroit précis et, après avoir avancé d'un pas, la petite s'accroupit et ouvrit une housse qu'elle portait en bandoulière. Elle en sortit un violon d'un noir geais reflétant quelques légers rayons lunaires. Elle sortit doucement le violon, le tenant des deux mains et le fixant durant quelques instants. Elle sortit son archer, assorti au violon dans les moindres détails. L'instrument ne portait aucune égratignures, aucune éraflures. Il semblait neuf, mais elle le possédait déjà depuis des centaines d'années, sa famille disant qu'elle était née avec ce ''morceau de bois'' entre les mains.
Elle détestait cela, cette appellation stupide. Cet objet était loin d'être un vulgaire morceau de bois. Ce son n'était pas un crissement inaudible et insupportable. Le crin de cheval ornant l'archet était bien loin de la mauvaise qualité, tout comme le son qui sortait de cet instrument, d'ailleurs. Mais ce son ne dépend malheureusement pas entièrement de l'instrument, mais également de celui qui en joue. On pourrait évaluer le temps d'entraînement pour un instrument aussi digne à une vie entière, mais lorsque l'on a l'éternité devant soi...
Alice observa quelques instants les mouvements de l'eau, puis se releva posément. Elle plaça le violon entre son menton et son épaule et déposa tendrement l'archet sur les cordes. Ses doigts se balladèrent quelques secondes sans bruit sur la touche, puis elle débuta son morceau, un concerto de Jean-Sébastien Bach. Elle joua quelques minutes et entama une longue note. C'est à ce moment qu'elle entendit un pas, derrière elle. Un humain ? Elle repoussa la housse de son instrument vers l'arbre et s'y adossa. Il l'avait entendu, c'était certain.
Elle attendit quelques instants, puis regarda. Une jeune femme se dressait là, elle était si proche. Alice se savait débusquée, elle sortir, dépitée. Une attaque surprise aurait été impossible. C'est pourtant là l'un des attraits les plus plaisants de ce jeu. Elle sortit de sa cachette, se tenant les mains, baissant légèrement la tête, jouant le jeu de la gamine sans défense.

« Qui... Qui êtes-vous ? » lança-t-elle.

Ce jeu-là marchait à tous les coups : les mains devant, l'air enfantin d'un enfant ayant commis une redoutable bêtise, les yeux cachés et le sourire inexistant. Un spectacle émouvant que l'on verrait bien peu venant de cette Vampire. Mais il y avait un problème, un léger soucis, une discrète anomalie. Comment dire ? Cette femme, cette étrangère, avait un côté vampirique. Discret, certes, mais Alice remarquait facilement ces choses-là. Elle se lâcha alors les mains, releva les yeux, découvrant ainsi leur couleur pourpre. Elle n'avait rien à cacher à cette femme si elle faisait partie du même clan. Son stratagème se termina alors en un sourire concluant, montrant ses crocs allongés, inhumains, justement.

Du travail, encore du travail, toujours du travail..oui, Morgana était une vraie bourreau de travail ! C'était rare les jours où elle prenait un peu de temps pour elle, où elle ne gérait pas tout un empire de la mode et un trafic de sang mondiale.

Assise à son bureau, la femme soupira, s'enfonçant dans le siège de cuir, croisant les jambes. Elle tournait doucement le regard vers l'horloge luminescente accrochée plus loin sur le mur d'une puissante couleur blanche. Minuit. Déjà? Il était temps de respirer maintenant..vraiment temps. Se levant de son fauteuil, la vampire tira sur le bas de la veste de son tailleur rouge, dévoilant un somptueux décolleté d'où la dentelle d'un soutien gorge dépassait, galbant sa poitrine de façon provocante sans être vulgaire pour autant. Contournant son bureau, Morgana sortit de la pièce, le talon de ses escarpins en daim, aussi rouge que sa tenue brisait le silence dans lequel l'agence était plongée, vide de tout employé. Le temps de rejoindre l'ascenseur qui menait au parking en sous-sol, la vampire se dit que finalement, elle pouvait s'accorder une pause avant de rejoindre les ruines, un petit tour au parc lui ferait du bien. La seule voiture garée dans le parking était une sublime Chevrolet corvette, noir laquée, longue, effilée, sportive... la bourgeoisie et l'audace incarnée dans une voiture. Morgana monta à bord de son bolide, abaissant le pare-soleil pour fixer son reflet dans le petit miroir, glissant ses doigts dans sa longue chevelure relevée, étirée sans aucune imperfection en une queue haute qui lui donnait cet air autoritaire. Soupirant, elle releva d'un geste machinale le pare-soleil puis tourna la clé dans le contact, faisant gronder le moteur de sa voiture dont l'écho se répercutait avec force dans le parking. Enfin, elle fila, comme l'éclair vers la ville.

Après quelques minutes de route, la femme arriva devant le parc, sortant de sa voiture, elle soupira et entra, prenant une longue bouffée d'air frais en murmurant pour elle-même.

- J'ai beau détester ces foutus cabots.. Au moins, ils ont raison sur une chose : rien de mieux que l'air frais de la nature.

Esquissant un léger sourire, Morgana se remit en marche, droite comme un "i" , toujours cette apparence sublime, la démarche féline et sensuelle. Soudain, une odeur se fit sentir, une odeur dont elle se serait volontiers passée. Quoi que..après tout, cela promettait d'être marrant alors, pourquoi ne pas aller voir ? Rapidement , l'originel se retrouva nez à nez avec une jeune fille, d'apparence tout du moins car déjà, Morgana avait vu dans son regard qu'elle était loin d'être une enfant, bien que celle-ci se lança dans un manège vouée à mettre sa victime dans le doute. Malheureusement, cela ne marchait pas avec Morgana, tellement plus vieille, tellement plus d'expérience, elle ne se laissait pas avoir par cette mise en scène burlesque à laquelle se donnait volontiers la jeune fille.

- Qui... Qui êtes-vous ?

L'inconnu finit par abandonner devant le manque d'enthousiasme de Morgana, étirant ses lèvres en un sourire carnassier. Morgana sourit à son tour, posant ses mains sur ses hanches gracieusement dessinées et lâcha de sa voix mielleuse:

- La politesse exige que l'être inférieur se présente la première avant de s'adresser à son précepteur.

La phrase de la femme avait claqué comme le fouet. Si Alice pensait avoir à faire à une femme douce et raisonnable, elle était dans une fâcheuse affaire car Morgana était tout l'inverse, égocentrique, égoïste, maniaque..bref, toute la panoplie de la femme autoritaire, sévère et en qui il valait mieux ne pas mettre la parole en doute sinon, c'est sous ses crocs que vous finissiez, peu importe votre race.

Une jeune femme faisait donc face à Alice. Elle n'avait pas l'air réellement docile, sans pour autant paraître agressive. Seulement, elle débutait déjà la conversation sur un ton sec, renforcé par sa haute queue de cheval. L'ensemble étant bien tirés et bien discipliné, elle avait un air de dominante, mais Alice n'en avait que faire. Les airs que les gens se donnent ne renseignent jamais réellement sur leur façon d'être, sur leur caractère.

« La politesse exige que l'être inférieur se présente la première avant de s'adresser à son précepteur. »

La jeune femme devait s'attendre à une réaction enfantine, une perte de confiance en soi face à un tel comportement dès la rencontre. Or, comme à son habitude, Alice se contenta de détourner le regard vers la droite et de pousser un long soupir.
La lune déposait quelques rayons sur la pelouse, déserte et parfaitement harmonisée, qui s'étendaient en plusieurs lignes discontinues. Une légère rosée occupait déjà le sommet de quelques groupes de brins d'herbe. A présent, elle tenait à peine son archet, bien qu'elle le gardât à la main, et son violon, par la touche, appuyant légèrement sur les cordes. Le regard vide, perdu au milieu de cette grande étendue verte, elle finit par observer doucement son interlocutrice, la pupille au coin de l'oeil.

« Affligeant... Nous venons à peine de nous rencontrer, et vous montrez déjà les crocs. Un comportement assez bestial, si je puis me permettre. Et, dites-moi, qui a parlé ''d'être inférieur'' ? Je doute que cela ne me désigne, si ? »

Alice soutint son regard pendant quelques instants, avant de reposer les yeux sur l'instrument. Elle n'avait pas pu finir son morceau, c'était bien dommage. Il était tellement beau. Elle adressa un rapide coup d'oeil à celle qui lui servait de compagnie, et pourquoi pas de divertissement. Mais cela restait à voir. La situation ne pouvait pas changer seulement sur un coup de tête.
Cette jeune Vampire semblait ne pas apporter la moindre importance aux différentes races, ce qui plut davantage à Alice. Pour elle, il n'y avait aucune différence entre un Vampire, un Loup ou un Humain. Peu importe la race, l'important était le comportement et les caractéristiques de son adversaire. Il fallait savoir ce contrôler, surtout en fonction de la puissance de l'ennemi, bien que ce ne fut pas le genre d'Alice, et très certainement pas celui de l'inconnue. Il n'y avait qu'à voir sa démarche, sa façon de se tenir, sa gestuelle.
Alice baissa alors les yeux et rangea l'instrument de bois. Lorsqu'elle se releva, elle épousseta consciencieusement ses vêtements, rajustant rapidement les courtes manches blanches bouffantes, terminant par un noeud de soie aux reflets bleutés. La jeune femme en tailleur rouge renvoyait vraiment une image de femme d'affaires, une femme indépendante. Alice la méprisait légèrement. ''Elle n'a rien d'une combattante'', pensait-elle. Elle leva les yeux au ciel. Elle non plus, elle n'avait rien d'une combattante. Et pourtant, elle était bel et bien ce qu'on pouvait appeler une combattante chevronnée, bien que la cause ne fut que sienne. Le seul but de l'existence n'était-il pas de jouer ? Ensuite, le jeu change selon les joueurs.

Morgana fixait la vampire aux allures de poupée. La vampire porta sa main devant son visage et fixa ses ongles manucuré pendant un instant avant de la reposer sur sa hanche, regardant une fois de plus la mordue. Rhaaa, mais qu'elle parte donc ! Elle lui faisait perdre son temps en blabla inutile ! Bon dieu, saleté de mordu ! Toujours à vouloir se croire meilleurs que les autres, pourtant c'est sans dire qu'il était parfois nécessairesde leur rappeler ce qu'ils étaient et qu'il fallait souvent les remettre à leur place, c'est dire, plus bas que terre.

- Affligeant... Nous venons à peine de nous rencontrer, et vous montrez déjà les crocs. Un comportement assez bestial, si je puis me permettre. Et, dites-moi, qui a parlé ''d'être inférieur'' ? Je doute que cela ne me désigne, si ?

- Affligeant , certes, mais j'ai autre chose à faire que parler avec le petit peuple.

Morgana esquissa un sourire carnassier, plongeant son regard grisâtre dans celui de la mordue. Hmmm, c'est vrai que pour une mordue elle était mignonne, si elle ne semblait pas si bornée, Morgana aurait tenté certaines choses avec elle.... Professionnellement parlant bien sûr.

- Et..en effet.. C'est de toi que je parle quand je dis "être inférieur"... Es-tu donc trop stupide pour comprendre quand je te parle ?

La pin-up réajusta son tailleur en tirant légèrement sur sa veste, soupirant d'ennui, fixant la petite vampirette du coin de l'oeil. Son regard se posa discrètement sur son violon puis Morgana s'assit sur le banc, croisant gracieusement les jambes et ajouta sur un ton moins froid cette fois:

- Jouerais-tu pour moi ?

A peine arrivée, la petite Alice marchait depuis un moment déjà sur le chemin de la morosité. Cette femme à l'allure imposante n'allait pas en s'arrangeant au fil de la soirée. Alice n'était que très peu intéressée. La jeune femme semblait légèrement excédée.

« Affligeant, certes, mais j'ai autre chose à faire que parler avec le petit peuple... Et.. en effet.. C'est de toi que je parle quand je dis ''être inférieur''... Es-tu donc trop stupide pour comprendre quand je te parle ? »
« Le petit peuple ?! » répéta Alice sur un ton plus dérangé, bien que calme tout de même. Il n'y avait là pas de quoi s'emballer. « Si je ne me reconnais pas dans vos paroles, je doute que ma stupidité soit le problème, mais je pense plutôt que le problème vient de vous. Vous parlez toujours aux inconnus de cette manière ? »

Alice n'avait pas pour habitude de tutoyer ses connaissances. Elle vouvoyait toute personne qui l'approchait, même si elle connaissait la personne en question depuis des années. Elle avait l'obligeance de s'adresser de la sorte à tous, même à ceux qu'elle méprisait au plus profond de son être, ceux-ci en particulier, d'ailleurs, ce qui signifie à peu près tout le monde. Et bien que les personnes ''distrayantes'' aient une place privilégiée, il n'existait aucune distinction.
La jeune femme replaça son tailleur, ce qui la rendit plus présentable qu'elle ne l'était déjà, c'est-à-dire plus présentable que présentable. Alors que la petite rangeait son violon, elle partit s'installer sur un banc à proximité. Elle fit quelques pas puis, croisant les jambes, un léger sourire aux lèvres, elle s'adressa une fois de plus à Alice.

« Jouerais-tu pour moi ? »

Sa voix s'était éclaircie. Le ton étant plus plaisant et la proposition, bien que mystérieuse, alléchante, Alice commençait à centrer son attention sur la Vampire. Armée d'un sourire concluant, elle avança de quelques pas, les mains dans le dos, avant de se poster debout devant cette débarquée.

« Un jeu ? Voilà qui est intéressant. Je me nomme Alice Rosentall, et je pense pouvoir jouer pour vous, oui... Y a-t-il des règles ? Un objectif, peut-être ? »

Bien que sa connaissance d'Alice fut extrêmement limitée, inexistante, même. L'originelle avait visé juste. Un jeu, tout ce qu'Alice demandait. Et cette petite était encore là, à faire des histoires avec règles et objectif, des formalités, en somme. Mais quel jeu pourrait se faire sans ? L'objectif est toujours nécessaire pour savoir où l'on va, dans quel futur problème on s'engage (cela se termine souvent mal avec Alice). Les règles, elles, existent simplement pour mettre de l'ordre, bien que peu les respecte généralement. Alice fait pourtant partie de ceux qui s'attachent aux règles. Étonnant, n'est-ce pas ? Elle les respecte constamment, et s'en sert souvent contre les autres joueurs. Dans la plupart des jeux auxquels elle joue, c'est elle qui décide. Et quand une règle ne lui plaît guère, elle en change, la tourne autrement. Elle en rajoute aussi, souvent. Alice restait assez mauvaise perdante. Bien qu'il y ait eu peu de défaites, elle réclamait toujours une revanche, ce sans quoi elle ne pourrait faire autrement que tuer le gagnant pour sauver son image. Mais cette idée de jeu devint rapidement excitante. Une inconnue, Vampire, qui vous propose un jeu alors que vous venez de la rencontrer, dans un parc, en pleine nuit, en tailleur, avec une coiffure stricte et haute, cela ne se refuse pas.

Alice ne semblait pas vraiment apprécier les paroles de la pin-up ! Tant mieux, car là était le but! Morgana n'aimait pas les mordus et elle savait leur faire savoir, d'une manière ou d'une autre. Alice pouvait s'estimer heureuse d'ailleurs, parce que si elle avait été l'un de ses congénères, elle serait déjà complètement démembrée et son cœur aurait été dévoré... Morgana savait rester calme en toute circonstances mais parfois, il lui arrivait aussi de s'emporter et comme beaucoup d'originels, de faire un carnage monstrueux.

- Le petit peuple ?!

Morgana sourit encore plus, Alice réagissait comme si c'était la première fois qu'un originel venait à traiter un mordu ainsi, pourtant, la pin-up savait comme ses frères et sœurs étaient parfois cruels et bien moins gentils qu'elle ne pouvait se le montrer, le fait qu'Alice était encore en vie le prouvait, une fois de plus.

- Si je ne me reconnais pas dans vos paroles, je doute que ma stupidité soit le problème, mais je pense plutôt que le problème vient de vous. Vous parlez toujours aux inconnus de cette manière ?

- Seulement avec ceux dont la tête ne me revient pas... les êtres inférieurs comme toi...ou ces stupides clébards...

En fait, la liste des gens que Morgana n'aimait pas était très longue, elle si l'on avait tout réuni dans un livre, cela serait semblable à une encyclopédie. Pourtant, la vampire n'avait pas beaucoup d'ennemis, parce que d'une,elle cherchait rarement les ennuis, deux, elle était assez proche d'Amélia et trois, son petit commerce de sang profitait à bien trop de monde, si l'on venait à supprimer Morgana, c'est tout un empire montant, bénéfique aux vampires et à beaucoup d'humains qui s'envolerait d'un coup. Toujours assise sur son banc, Morgana esquissa un nouveau sourire, toujours aussi malicieux. Elle attendait gentiment que la mordu daigne répondre à sa question...

- Un jeu ? Voilà qui est intéressant. Je me nomme Alice Rosentall, et je pense pouvoir jouer pour vous, oui... Y a-t-il des règles ? Un objectif, peut-être ?

Morgana arqua un sourcils puis soudain, éclata de rire. Main posée sur son décolleté dont les doigts effleurèrent la peau de marbre puis elle répondit, amusée:

- Petite sotte ! Je ne propose pas de jouer à un jeu.. Je te demande de jouer de ton violon !

Un nouveau rire s'échappa des lèvres charnues de la vampire. Cela lui rappelait Amélia, elle qui adorait "jouer" comme elle le disait si souvent. Mais Morgana n'était comme ça, bien sûr, il lui arrivait à elle aussi de s'amuser à faire la chasse à l'homme de la même manière mais c'était plutôt rare, elle était trop occupée généralement pour se livrer à ce genre d'enfantillage.

- Alors, vas-tu te décider à jouer ou non ?

Cette proposition de jeu fut alors suivie par un rire quelque peu retardé, chaleureux. Alice, ne comprenant pas réellement cette réaction, observa la jeune femme, demeurant interloquée et silencieuse.

« Petite sotte ! Je ne te propose pas de jouer à un jeu... Je te demande de jouer de ton violon ! »
« Pardonnez alors cette méprise. » s'empressa alors de rétorquer Alice. « Comprenez. Chez moi, il n'était en aucun cas question d'écouter ma musique. Le jeu était une chasse que mes domestiques m'offraient à loisir. Je pensais donc que vous étiez également une joueuse expérimentée. C'est du moins l'image que j'en ai. »

Puis elle se tut, les jambes droites et tendues, se penchant pour ramasser sa housse de violon qu'elle avait posée dans l'herbe. Elle en sortit le morceau de bois et l'archet et regarda son auditrice avant même de le placer.

« Alors, vas-tu te décider à jouer ou non ? »

Bien sûr, Alice ne se fit pas trop prier. Elle plaça alors l'instrument entre son épaule et son menton, puis plaça minutieusement ses doigts sur la touche, avant de laisser les crins de cheval de l'archet se poser doucement sur les cordes. Elle prit une profonde inpiration puis commença un morceau, au hasard de son répertoire personnel, qu'elle joua de tête, sans erreur, sans fausses notes, résultat d'une éternité de pratique.
Le parc était désert. A cette heure-ci, rien de bien étonnant. Ici, Alice avait pu remarquer que les rues n'étaient pas abondamment fréquentées passé le coucher du soleil. Une fois la nuit tombée, la ville humaine se transformait soudain en ville fantôme. Son morceau s'éleva dans les airs, ses notes commençaient à voyager.
Les sons émis par l'instrument emplissaient le coeur de la jeune Vampire d'un apaisement bénéfique, qu'elle ne savait trouver qu'en jouant. Elle fit danser ses doigts sur le morceau de bois, faisant glisser l'archet sur les cordes... La colophane commençait à se répandre sur les cordes et la caisse de résonance, teignant ainsi le violon noir en blanc. Elle ne cessait de jouer, au milieu de la nuit, debout dans l'herbe. Elle savait son auditrice toujours présente, presque contente de ne pas la voir partir. D'ailleurs, pourquoi restait-elle ? Elle aurait dû partir depuis un moment déjà, si ce n'est depuis le début de la conversation. Dès leur rencontre, les seules choses qu'elles s'offraient étaient des pics, des propos agressifs... Pourtant, toutes deux restaient en compagnie de l'autre. Quelle idée...
Après quelques minutes, Alice s'arrêta de jouer. Elle délia l'archet du violon et arracha l'instrument à son cou. Tenant chaque composant d'une main, elle regardait, la tête légèrement penchée, sa spectatrice.

« C'était un concerto pour violon en la mineur, de Jean-Sébastien Bach. Cela vous a-t-il plu ? »

Morgana avait de besoin de se détendre, écouter un peu de musique lui ferait le plus grand bien et si jamais la mordue n'était pas à la hauteur eh bien..elle la tuerait pour se faire pardonner de son affront (rassurant hein ? XD). La pin-up s'installa plus confortablement et fixa Alice qui empoigna son violon, laissant échapper de douce note qui sonnèrent agréablement aux oreilles de Morgana. Un petit sourire s'étira sur ses lèvres vermeilles, sensuel et très appréciateur. Alice était douée, c'était évident, elle semblait prendre beaucoup de plaisir à jouer de son instrument. La vampire libéra un petit soupir, fixant la lune en se laissant bercer par la douce mélodie. Ce son la rendait nostalgique, glissant ses doigts dans sa longue chevelure, Morgana ferma les yeux, se laissant totalement bercer par la musique quand enfin, celle-ci se termina et que la voix d'Alice brisa se court silence:

- C'était un concerto pour violon en la mineur, de Jean-Sébastien Bach. Cela vous a-t-il plu ?

Morgana ouvrit doucement les yeux et fixa la mordue, faisant un léger signe de tête, respectueux.

- Oui, c'était excellent, merci beaucoup Alice.

La pin-up soupira puis se leva, cette nostalgie devenait trop forte, elle se sentait mal à présent.

- Excuse moi Alice, je dois rentrer...

Morgana tira un peu sur le bas de la veste de son tailleur, retenant sa respiration puis soupira, secouant la tête.

- Au revoir petite mordue, à un autre jour..peut être.

Et sans un mot de plus, la femme se volatilisa, laissant la mercenaire seule en plein milieu du parc seulement munie d'un violon et de sa solitude.

"Sur un air de Bach" [PV Morgana McBeth]

"Sur un air de Bach" [PV Morgana McBeth]

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